Gravité des manquements et loyauté contractuelle : les conditions de la résiliation précisées

Code : Commande Publique

Gravité des manquements et loyauté contractuelle : les conditions de la résiliation précisées

Dans le cadre de la réhabilitation du siège du CNC à Paris, le maître d’ouvrage avait résilié aux frais et risques le lot d’agencement confié à la société Les Ateliers de Reims, en raison de la non-levée de certaines réserves. La CAA de Paris a jugé cette décision irrégulière, les manquements reprochés n’étant ni suffisamment graves, ni entièrement imputables à l’entreprise, qui n’avait pas été mise en mesure d’intervenir.

Par un arrêt du 16 mai 2025, la Cour administrative d’appel précise les conditions strictes de la résiliation aux frais et risques du titulaire. Une décision qui appelle les acheteurs publics à faire preuve de rigueur et de loyauté dans l’exécution contractuelle.

Un contentieux né d’un chantier complexe et d’une réception sous réserve

Le marché litigieux portait sur les travaux d’agencement intérieur du nouveau siège du CNC, attribué à la société Les Ateliers de Reims dans le cadre d’un marché public divisé en 20 lots. Le lot concerné, d’un montant de plus de 900 000 € TTC, a fait l’objet d’une réception partielle en juin 2018, puis complète en septembre 2018, avec de nombreuses réserves.

Estimant que certaines réserves (notamment dans la grande salle de projection) n’étaient toujours pas levées plusieurs mois après la réception, le maître d’ouvrage a prononcé la résiliation du marché aux frais et risques du titulaire, par courrier du 16 avril 2019.

Des fautes pas assez graves pour justifier une résiliation aux frais et risques

La CAA rappelle un principe constant : une résiliation aux frais et risques ne peut être fondée que sur des manquements d’une gravité suffisante. Or, elle considère en l’espèce que les griefs formulés par le CNC ne remplissaient pas ce critère.

Les magistrats relèvent que, si des réserves restaient effectivement à lever, notamment dans la grande salle de projection, la société Les Ateliers de Reims n’avait pas été mise en capacité de programmer son intervention, faute d’informations suffisantes sur les disponibilités du site, désormais occupé. De plus, la plupart des autres réserves avaient été levées ou étaient de nature mineure.

Loyauté contractuelle : une exigence aussi pour le maître d’ouvrage

La Cour insiste sur le fait que le maître d’ouvrage doit collaborer activement à l’exécution du contrat, en particulier dans la phase de levée des réserves. En l’espèce, le CNC ne pouvait valablement reprocher à son cocontractant un défaut d’intervention alors qu’il ne lui avait pas communiqué les conditions opérationnelles d’accès à la zone concernée.

En conséquence, la résiliation prononcée est jugée irrégulière, et le CNC se voit refuser toute indemnisation au titre du marché de substitution. À l’inverse, la société obtient le versement du solde du marché.

Travaux supplémentaires et pénalités : le juge arbitre avec précision

La CAA examine également plusieurs devis de travaux supplémentaires présentés par l’entreprise, parfois validés par le maître d’œuvre mais non rémunérés. Certains sont retenus (ajout de blocs portes, bouton déporté, kitchenette, modification d’espaces détente…), d’autres sont écartés faute d’ordre de service ou de justification.

Enfin, concernant les pénalités pour non-levée des réserves, la Cour les juge en partie fondées mais en limite l’application à la période allant du 4 novembre 2018 (délai contractuel) au 16 avril 2019 (date de résiliation). En revanche, les pénalités pour retard global dans l’exécution des travaux sont rejetées, les retards étant majoritairement liés à d’autres lots ou aux décisions du maître d’ouvrage lui-même.

Conseil d’État, 7ème chambre, 12/05/2025, 496679, Inédit au recueil Lebon