Staffing en secteur public : pas sur les emplois permanents !

Code : Commande Publique

Staffing en secteur public : pas sur les emplois permanents !

La Cour Administrative de Nantes apporte une utile précision sur la licéité des contrats, aux conséquences importantes pour les sociétés de conseil réalisant des missions de « staffing » ou de  « management de transition » : « Un contrat par lequel une collectivité confie à une société des missions relevant de l’un de ses emplois permanents, en méconnaissance du principe selon lequel ces emplois doivent être occupés par des fonctionnaires ou, le cas échéant, par des agents contractuels, présente un objet illicite «  (CAA Nantes, 29 octobre 2021, Commune de la Remaudière, n° 20NT02088).

Ainsi, à la différence de contrats en obligation de résultat portant sur des missions de conseil, d’AMO, de support ou d’externalisation, dont les prestations sont clairement décrites, circonscrites et réalisées a distance, les contrats de « staffing » (peu important leur dénomination et leur déclinaison), même de courte durée (cf. infra : 5 mois), ne peuvent être conclus sur un domaine devant être couvert par un emploi permanent. En effet, dès lors qu’ils portent in fine sur l’affectation d’une ressource sur place à 100%, le consultant assume nécessairement les fonctions de l’agent ainsi temporairement remplacé. Il n’est donc pas possible de remplacer un fonctionnaire par un consultant sur place s’agissant des emplois permanents ; il est seulement loisible de confier une mission de conseil portant sur une partie des tâches dans une logique de résultat (ex : rédaction de marchés, gestion de procédures mais pas la totalité des missions d’un poste). En l’espèce, « la société se voyait attribuer, pendant la vacance de l’emploi correspondant, les missions administratives du secrétaire de la mairie ».

De là à dire que le contrat, en l’espèce, portait purement sur du prêt illicite de main d’oeuvre il n’y a qu’un pas, que la Cour aurait également pu mobiliser au bénéfice de l’annulation du marché. Elle a préféré se fonder sur les dispositions de la loi de 1984 ce qui est audacieux.

En tout cas, un pavé dans la marre dans le secteur du Conseil compliquant l’extension de l’offre de staffing au secteur public (collectivités, ministères…), pourtant très répandue dans le secteur privé et semi-public (EPIC notamment).

Pour plus de détail :

« Il résulte de l’instruction que, par la convention du 11 janvier 2014 dont l’illicéité est invoquée par la commune de la Remaudière, la commune, confrontée au départ de sa secrétaire de mairie, a décidé de confier à la Société Consulting Privé Public Cabinet Fidélia Consulting une  » mission de transition  » pour la gestion quotidienne de la collectivité consistant à  » suivre les dossiers en cours (urbanisme, travaux…) / manager l’équipe administrative et technique de la mairie / clôturer le compte administratif et préparer le budget primitif 2014 / répondre à toute demande relative au fonctionnement de la mairie (…) « . Ces missions étaient confiées à la société pour la période allant du 13 janvier 2014 au mois d’avril 2014, mais il résulte de l’instruction, notamment du rapport établi par la Chambre régionale des comptes en avril 2018, que cette convention a été prorogée jusqu’au 30 juin 2014. Il résulte ainsi clairement de l’énoncé des prestations confiées à la Société Consulting Privé Public Cabinet Fidélia Consulting par la commune de la Remaudière que cette société se voyait attribuer, pendant la vacance de l’emploi correspondant, les missions administratives du secrétaire de la mairie. S’il était loisible à la commune, notamment en application des dispositions citées ci-dessus de l’article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984, de confier à un agent contractuel et pour une durée limitée les fonctions de secrétaire de mairie, emploi permanent au sens des dispositions de l’article 1er de la même loi, aucune disposition législative ou réglementaire ne permettait à la commune de déroger au principe selon lequel ses emplois permanents doivent être occupés par des fonctionnaires ou, dans les cas définis par les articles 3-1 et suivants de la loi du 26 janvier 1984, par des agents contractuels et ne lui permettait donc de confier les missions relevant d’un de ses emplois permanents à une société par le biais d’un marché public. La convention conclue le 11 janvier 2014 entre la commune de la Remaudière et la Société Consulting Privé Public Cabinet Fidélia Consulting a dans ces conditions, par elle-même, un objet illicite et doit en conséquence être écartée ».