L’analyse de conformité des offres au stade d’un marché subséquent : une pratique validée par la CAA de Paris

Peut-on introduire des critères de recevabilité aux exigences au stade d’un marché subséquent sans remettre en cause l’économie de l’accord-cadre initial ? La Cour administrative d’appel de Paris confirme la souplesse du cadre contractuel, tout en rappelant les exigences de transparence et de loyauté.
Les critères de recevabilité sur les exigences non négociables pour filtrer les offres : une pratique contestée
Dans le cadre de l’exécution d’un accord-cadre, une entité adjudicatrice avait défini, lors du lancement d’un marché subséquent, des critères de recevabilité attachés aux respect des exigences fonctionnelles « F0 », considérés comme non négociables. Ces critères, placés en amont de l’analyse des offres au regard des critères d’attribution, visaient à écarter d’emblée les offres non conformes.
L’article 16 du règlement de consultation de l’accord-cadre en litige prévoyait que les offres seraient déclarées irrecevables en cas de non-respect par les soumissionnaires des critères de recevabilité énumérés à cet article au nombre desquels figurait le respect des points de recevabilité » F0 » des cahiers des prescriptions spéciales et du cahier des charges. Cet article précisait qu’il s’agissait d’une exigence non négociable devant absolument être satisfaite, une offre qui ne remplirait pas une exigence » F0 » n’étant pas recevable et n’étant pas analysée. Les critères » F0 » étaient repris dans les grilles de conformité au contrat et au cahier des charges, dont les trames étaient annexées au règlement et constituaient l’une des pièces de l’offre technique des soumissionnaires
Un opérateur évincé a contesté cette pratique, estimant que cela constituait une modification substantielle de l’accord-cadre initial.
Une ligne rouge non franchie selon le juge administratif
La Cour administrative d’appel de Paris a estimé que l’introduction de ces critères de recevabilité ne portait pas atteinte à l’économie générale de l’accord-cadre, dès lors qu’ils n’en modifiaient ni l’objet, ni les conditions essentielles d’exécution. Elle a considéré qu’il s’agissait d’une modalité d’analyse conforme à l’objectif de mise en concurrence, et non d’une innovation contractuelle prohibée.
La Cour rappelle que l’examen de la conformité des offres constitue une phase distincte, antérieure et complémentaire à l’analyse au fond selon les critères d’attribution. Dès lors, il est loisible pour l’acheteur de préciser, dans le cadre d’un marché subséquent, des exigences minimales techniques, à condition qu’elles soient objectives, claires, et portées à la connaissance des candidats.
Consécration d’un pouvoir d’ajustement encadré pour les acheteurs publics
Cette décision confirme que les pouvoirs adjudicateurs disposent d’une marge d’appréciation pour structurer leurs procédures internes, notamment dans le cadre de marchés subséquents. Le recours à des critères de recevabilité préalables constitue un outil pertinent de sécurisation de la procédure, à condition de respecter le principe de transparence et de ne pas fausser la concurrence.
CAA de PARIS, 6ème chambre, 07/05/2025, 22PA02782, Inédit au recueil Lebon