L’IMPI : un nouvel outil pour protéger l’accès des entreprises européennes aux marchés publics

Code : Commande Publique

L’IMPI : un nouvel outil pour protéger l’accès des entreprises européennes aux marchés publics

Publié le 29 août 2022, le règlement (UE) 2022/1031 du 23 juin 2022, dit « instrument relatif aux marchés publics internationaux » (IMPI), marque une étape décisive dans la politique commerciale de l’Union européenne. Entré en vigueur le 29 août 2022, il vise à renforcer la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics entre l’UE et les pays tiers.

Un instrument né d’un long processus législatif

Débattu depuis 2012 et finalisé sous la Présidence française de l’Union européenne, l’IMPI répond à une préoccupation croissante : garantir aux entreprises européennes un accès équitable aux marchés publics étrangers, souvent fermés ou restrictifs.

Jusqu’ici, l’UE s’était dotée d’outils contraignants pour ses propres acheteurs (transparence, égalité de traitement, libre accès). Mais face aux entraves répétées imposées par certains États tiers – absence d’accords internationaux, exclusions de fait ou discriminations –, les entreprises européennes se trouvaient désavantagées.

L’IMPI vient combler ce déséquilibre.

Une enquête préalable menée par la Commission européenne

L’instrument repose sur un mécanisme en deux temps :

  • La Commission européenne peut être saisie, soit de sa propre initiative, soit sur la base d’une plainte d’une entreprise ou d’un État membre.
  • Elle mène alors une enquête contradictoire, d’une durée de 9 à 14 mois, pour vérifier si un État tiers met en place des pratiques restrictives injustifiées dans l’accès à ses marchés publics.

Si les soupçons sont confirmés, la Commission peut décider d’une mesure IMPI.

Deux types de mesures possibles

La Commission dispose d’un arsenal gradué :

  1. Ajustement des offres : la notation des soumissions issues du pays concerné peut être diminuée de moitié, ou, si le critère unique est le prix, le montant proposé peut être doublé aux seules fins de calcul.
  2. Exclusion pure et simple : les offres d’opérateurs économiques originaires du pays tiers peuvent être écartées.

La décision de la Commission précise le champ exact de la mesure : secteurs concernés, catégories de prestations, types de pouvoirs adjudicateurs visés. Certaines exemptions sont néanmoins possibles, à la demande d’un État membre et si elles sont jugées nécessaires et proportionnées.

Des garde-fous en cas d’attribution malgré tout

Si un opérateur d’un pays visé par une mesure IMPI obtient néanmoins le marché, le contrat devra inclure des clauses spécifiques :

  • interdiction que les prestations d’un sous-traitant ou d’un fournisseur, lui-même originaire d’un pays soumis à une mesure IMPI, dépassent 50 % du montant du marché.

Un champ d’application ciblé

L’IMPI s’applique uniquement aux marchés de taille significative :

  • marchés de travaux et concessions : valeur ≥ 15 millions € HT ;
  • marchés de fournitures et services : valeur ≥ 5 millions € HT.

Il constitue donc un outil de politique commerciale sélective, visant les segments les plus stratégiques de la commande publique.

Une réciprocité assumée

L’IMPI consacre un changement de paradigme : l’ouverture des marchés publics européens n’est plus un principe unilatéral, mais une ouverture conditionnée à la réciprocité.

Il invite les acheteurs publics à intégrer une nouvelle dimension dans leurs procédures : celle de la géopolitique commerciale.

Une mise en garde pour les opérateurs économiques

Les entreprises extra-européennes devront désormais anticiper le risque d’exclusion ou de dévalorisation de leurs offres.
À l’inverse, les entreprises européennes disposent d’un levier inédit pour dénoncer des pratiques discriminatoires à l’étranger et obtenir, par ricochet, des mesures de rééquilibrage sur le sol européen.