Limitation du nombre de pages du mémoire technique… où en est-on ?

Code : Commande Publique

Limitation du nombre de pages du mémoire technique… où en est-on ?

Le débat ne semble pas clos, illustrons le avec deux jurisprudences récentes se prononçant sur une pratique usuelle des acheteurs : la limitation du nombre de pages du mémoire technique pour mieux maîtriser les délais d’analyse.

■ ■ ■ Limitation du nombre de pages du mémoire technique : opposabilité. Irrégularité d’une offre d’une société n’ayant pas respecté la limitation de pages du mémoire technique exigée dans le règlement de la consultation. Cette exigence n’apparaît pas comme dépourvue de toute utilité au regard notamment de son intérêt pour faciliter l’analyse des offres et leur comparaison. Il est à souligner que le règlement de la consultation ne prévoyait aucune exigence quant à la taille de police ou aux interlignes à employer ; le juge valide malgré tout le rejet de la société dépassant de 30% le format requis  (TA Montreuil, ord. 28 juillet 2023, Sté Interface conseil, n°2308306).

■ ■ ■ Limitation du nombre de pages du mémoire technique : clarté nécessaire du RC ? Une jurisprudence contestée…

« l’offre de la société Philippe Vediaud Publicité a été rejetée en ce qu’elle ne respectait pas les prescriptions du RC et en particulier celles de son article 8.2 pour avoir dépassé le nombre de pages maximal prévu pour la présentation des 4 documents composant le mémoire technique. La société soutient que ce motif qui a conduit à l’exclure est infondé en ce qu’elle a respecté les conditions de présentation des offres en déposant une offre comportant 17 pages pour le document 1, 11 pages pour le document 2, 17 pages pour le document 3, et 15 pages pour le document 4, soit un volume total de 60 pages et que le rejet de son offre est irrégulier et constitutif d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

La commune expose dans ses écritures que la société a contourné la limitation formelle prévue par le règlement de consultation, par un artifice de présentation et que chaque page contient en réalité quatre pages miniatures d’ailleurs numérotées ce qui aboutit à un document 1 composé de 68 pages, un document 2 de 44 pages, un document 3 de 68 pages et un document 4 de 60 pages soit un mémoire technique de 240 pages très au-delà du format requis, que cette insertion de pages miniatures saturant le mémoire technique ainsi que le choix d’une taille de police de caractère réduit le rendent illisible, empêchant son analyse et une comparaison avec les autres offres et que dès lors ce dépassement de 180 pages de la limitation fixée ne pouvait qu’entraîner non pas une pénalisation de la note finale mais une élimination de l’offre, et qu’en acceptant cette offre, la commune aurait porté atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats.

Si le choix d’imposer un nombre maximum de pages pour le mémoire technique peut permettre de faciliter l’analyse des offres et leur comparaison, il résulte, toutefois, de l’instruction que le règlement de consultation n’a pas défini les conditions de présentation du mémoire technique autrement que par cette limitation du nombre de pages, et n’a pas posé d’exigence notamment sur la taille de la police d’écriture employée ou sur la composition et la mise en forme de chaque page. Si la société Philippe Vediaud Publicité a choisi d’insérer pour chaque page du document quatre encarts et si elle a eu recours à une taille de police de caractère réduite, elle a néanmoins respecté le nombre requis de pages par le RC, la numérotation interne au sein de chaque page étant sans incidence. En outre, le document établi par la requérante conserve sa lisibilité laquelle est favorisée d’une part par la présentation, imposée par le règlement de consultation, sous forme de 4 fichiers informatiques séparés en format pdf qui permet aisément et en tant que de besoin un agrandissement pour en faciliter la lecture, et d’autre part par l’insertion de photos et de schémas explicatifs qui permettent d’aérer la présentation. Ainsi, la société requérante est fondée à soutenir que la commune a, en écartant son offre, manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence » (TA Poitiers, ord. 6 octobre 2023, Sté Philippe Vediaud Publicité, n°2302509)