Secret des affaires & accès aux documents : Juste rappel du Conseil d’Etat

Code : Commande Publique

Secret des affaires & accès aux documents : Juste rappel du Conseil d’Etat

Dans le cadre d’un marché de transports sanitaires héliportés conclu par le centre hospitalier de Cayenne (SAMU 973), la société SAF Hélicoptères sollicitait la communication de plusieurs pièces contractuelles. Le tribunal administratif avait enjoint, notamment, de transmettre un document daté et signé par le vendeur ou le loueur attestant que des appareils précisément identifiés seraient mis à la disposition de l’attributaire, la société HBG France, à la date annoncée. Par une décision du 31 juillet 2025 (n° 501474), le Conseil d’État annule cette partie du jugement : ce document relève du secret des affaires et n’est pas communicable à des tiers. 

Une demande d’accès, un jugement partiellement annulé 

La demande initiale de SAF Hélicoptères visait l’ensemble des pièces relatives au marché n° 2022-CHC-144 du 30 décembre 2022. Par un jugement du 12 décembre 2024, le tribunal administratif de la Guyane avait fait droit à la demande pour plusieurs documents, dont l’attestation de mise à disposition des aéronefs, le CCAP signé et le rapport d’analyse des offres mentionnant le prix global. HBG France s’est pourvue en cassation, mais uniquement contre l’obligation de communiquer l’attestation relative aux appareils. Le Conseil d’État annule le jugement sur ce seul point. Le pourvoi incident de SAF, dirigé contre d’autres volets du jugement, est déclaré irrecevable ; la demande de sursis d’HBG devient sans objet ; enfin, 3 000 € sont mis à la charge de SAF au titre de l’article L. 761-1 du CJA. 

Le raisonnement : une pièce révélant la stratégie commerciale 

Le règlement de consultation imposait, lorsque les appareils proposés n’étaient pas encore inscrits dans la flotte du candidat, la production d’un « document sincère et véritable » du vendeur ou du loueur, daté et signé, garantissant la mise à disposition d’aéronefs définitifs ou de transition précisément spécifiés à la date indiquée. Pour le Conseil d’État, un tel document révèle nécessairement des choix stratégiques : identité du fournisseur, modèles retenus, modalités de financement. Ces informations relèvent du secret des affaires au sens de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En jugeant le contraire, le tribunal administratif a commis une erreur de qualification juridique des faits. 

Portée pratique de la décision 

La décision clarifie la frontière entre transparence et protection des intérêts économiques dans les marchés sensibles. Les documents exigés au stade de l’offre qui exposent des décisions industrielles et financières sont protégés et ne peuvent être communiqués à des concurrents. La transparence n’est pas pour autant évincée : d’autres pièces, comme le CCAP signé ou le rapport d’analyse des offres avec le prix global, peuvent rester accessibles lorsqu’elles ne dévoilent pas d’éléments stratégiques couverts par le secret. 

Recommandations opérationnelles 

Côté acheteurs, il est utile d’identifier en amont, dans le règlement de consultation et le DCE, les pièces susceptibles de contenir des secrets d’affaires, et de prévoir lorsque c’est possible des formats d’attestation plus synthétiques qui démontrent la capacité du candidat sans révéler ses fournisseurs, ses modèles ou ses montages financiers. En cas de demande d’accès, la motivation du refus doit expliciter en quoi la pièce litigieuse permettrait de reconstituer la stratégie de l’entreprise. Côté opérateurs, le marquage des documents sensibles, l’explication de leur caractère stratégique et, si nécessaire, la proposition de documents alternatifs (attestations de capacité ou d’engagement dépourvues de détails sensibles) permettent de concilier exigences de preuve et protection du savoir-faire. 

Référence : Conseil d’État, 10ᵉ chambre, 31 juillet 2025, n° 501474, inédit au Recueil Lebon (SAF Hélicoptères / HBG France – CH Cayenne).